samedi 30 janvier 2016

Don Rodrigo de Borja

sculpture papier et plâtre, aquarelle et collage  



 

La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur
Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j’aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d’aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

 

 

 

Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s’était assise.

 

 

 

 

Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe !

Et la lampe s’étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre !

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

 

jeudi 28 janvier 2016

Hototo

sculpture papier et plâtre, aquarelle et collage

 

Dans la maison faite d’aurore
Dans la maison faite de crépuscule
Dans la maison faite de sombres nuages
Dans la maison faite de pluie mâle
Dans la maison faite de sombre brouillard
Dans la maison faite de pluie femelle
Dans la maison faite de pollen
Dans la maison faite de sauterelles
Quand le sombre brouillard barre la porte
Le chemin pour le traverser se trouve dans l’arc-en-ciel
Quand les éclairs zigzaguent sur le faîte
Quand la violente pluie bat les cimes
Oh, mâle divinité !

 

 

Avec tes mocassins de nuage sombre, viens à nous
Avec tes jambières de nuage sombre, viens à nous
Avec ta chemise de nuage sombre, viens à nous
Avec ta coiffe de nuage sombre, viens à nous
Avec ton esprit enveloppé de nuage sombre, viens à nous
Avec le sombre tonnerre au-dessus de toi, élance-toi vers nous
Avec les nuages façonnés à tes pieds, élance-toi vers nous
Avec l’obscurité lointaine faite de sombres nuages au-dessus de ta tête, élance-toi vers nous
Avec l’obscurité lointaine faite de pluie mâle au-dessus de ta tête, élance-toi vers nous
Avec l’obscurité lointaine faite de pluie femelle, élance-toi vers nous
Avec les éclairs sur le faîte, au-dessus de ta tête, élance-toi vers nous
Avec l’arc-en-ciel accroché à la voûte au-dessus de ta tête, élance-toi vers nous
Avec l’obscurité lointaine faite de sombres nuages au bout de tes ailes, élance-toi vers nous
Avec l’obscurité de la terre, viens à nous
Je t’ai offert le sacrifice rituel
J’ai préparé le pollen pour toi.

 

 


Fasse que mes pieds se rétablissent
Fasse que mes membres se rétablissent
Fasse que mon corps se rétablisse
Fasse que mon esprit se rétablisse
Fasse que ma voix se rétablisse
Maintenant, arrache ce sortilège de moi
Aujourd’hui, emporte ce sortilège pour moi.
Loin de moi, tu l’as traîné
Loin de moi, il s’en est allé
Tu as fait cela.
Avec joie, je me rétablis
Avec joie, mon intérieur s’apaise
Avec joie, mes membres retrouvent leur force
Avec joie, ma tête devient calme
Avec joie, j’entends à nouveau
Avec joie, je marche
Insensible à la douleur, je marche
La lumière en moi, je marche
Sentant la vie, je marche.
 

 

 


Avec joie, les enfants te regarderont
Avec joie, les ainés te regarderont
Avec joie, dispersés dans différentes directions, ils te regarderont
Avec joie, comme ils s’approcheront de leurs maisons, ils te regarderont
Avec joie, puissent-ils tous rentrer.
 

 

 

Dans la beauté, je marche
Avec la beauté devant moi, je marche
Avec la beauté derrière moi, je marche
Avec la beauté au-dessus de moi, je marche
Avec la beauté au-dessous de moi, je marche

Avec la beauté tout autour de moi, je marche

Tout est fini dans la plénitude

Tout est fini dans la plénitude

 

mardi 26 janvier 2016

Fiztcarraldo

sculpture papier et plâtre ,aquarelle et collage



" J'ai attaché mon bateau à des étoiles sèches et peureuses cette nuit. Des fruits inconnus sont tombés d'un arbre inconnu lorsqu'il a fait nuit noire, claquant sur le sol humide tout autour de ma maison. "

ConquÊte de l'inutile de Werner Herzog

 

 

dimanche 24 janvier 2016

Le Danseur et le Poète

aquarelle et collage format 80/80cm



Bipède volupteur de lyre

Epoux châtré de Polymnie

Vérolé de lune à confire

Grand-Duc bouillon des librairies

Maroufle à pendre à l'hexamètre

Voyou décliné chez les Grecs

Albatros à chaîne et à guêtres

Cigale qui claque du bec


Poète, vos papiers !

Poète, vos papiers ! 

 

 

J'ai bu du Waterman et j'ai bouffé Littré

Et je repousse du goulot de la syntaxe

A faire se pâmer les précieux à l'arrêt

La phrase m'a poussé au ventre comme un axe


J'ai fait un bail de trois six neuf aux adjectifs

Qui viennent se dorer le mou à ma lanterne

Et j'ai joué au casino les subjonctifs

La chemise à Claudel et les cons dits " modernes "


Syndiqué de la solitude

Museau qui dévore du couic

Sédentaire des longitudes

Phosphaté des dieux chair à flic

Colis en souffrance à la veine

Remords de la Légion d'honneur

Tumeur de la fonction urbaine

Don Quichotte du crève-coeur 

 



Poète, vos papiers !

Poète, Papier ! 

 

 

Le dictionnaire et le porto à découvert
Je débourre des mots à longueur de pelure
J'ai des idées au frais de côté pour l'hiver
A rimer le bifteck avec les engelures

Cependant que Tzara enfourche le bidet
A l'auberge dada la crotte est littéraire
Le vers est libre enfin et la rime en congé
On va pouvoir poétiser le prolétaire

Spécialiste de la mistoufle
Emigrant qui pisse aux visas

 

Poète, vos papiers !

Poète, Papier !